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hurle le chaouch. Ah ! vous avez l’air de vous moquer de moi parce qu’on vous a dit que je passais au conseil de guerre pour avoir fait mon devoir ? Ça ne m’empêchera pas de le faire, mon devoir, nom de Dieu ! et jusqu’au bout, sacré nom de Dieu ! Et j’en bâillonnerai encore, des Camisards !

Tous les hommes sont sortis des tentes et, au milieu du camp, se sont mis à hurler :

— À l’assassin ! à l’assassin ! à l’assassin !

L’homme-Kelb, pris de peur, a abandonné sa victime et s’est sauvé.


Le lendemain matin, nous sommes entrés vingt en prison. Nous avions l’intention de nous rebiffer, mais, réflexion faite, nous n’avons rien dit. Qu’est-ce que ça peut nous fiche, la prison ? Nous sommes sûrs maintenant que les tortionnaires vont passer devant le conseil de guerre. Nous sommes contents.


Nous sommes restés quinze jours sous les tombeaux, faisant sept heures par jour d’un peloton de chasse épouvantable, crevant de faim.

— Ce qu’on déclare ballon ! s’écrie de temps en temps Bras-Court qui fait sans doute allusion, en employant cette expression métaphorique, au gaz qui contribue seul à gonfler son abdomen. Sérieusement, je commence à avoir les dents gelées.

C’est vrai ; je ne sais vraiment pas comment nous arrivons à nous soutenir. Nous souffrons de la soif, aussi, car la chaleur est accablante, et nous recevons à peine, par jour, le litre d’eau réglementaire. Mafeugnat a défendu expressément de nous en donner une goutte de plus, même pour laver notre linge. Nous ne le lavons pas. Nous sommes mangés vivants par les