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je vous dise ? Cette pierre-là, elle n’en a pas l’air, n’est-ce pas ? Eh bien ! c’est le commencement d’un banc. On s’en aperçoit bien quand on tape dessus. Tenez… pif ! paf ! Entendez-vous comme ça résonne ? Il n’y a pas à s’y tromper, c’est la tête d’un banc de pierre. Ça s’étend peut-être à plusieurs lieues…

— Huit jours de salle de police… Fichez de ma fiole, nom de Dieu !

L’Homme-Kelb s’en va, furieux. Le caporal Mouffe s’approche à son tour.

— Dubuisson, je commence par vous mettre quatre jours pour nonchalance au travail, et je vais vous en mettre huit si vous ne piochez pas plus fort que ça.

— Je ne peux pas, caporal ; je n’ai pas les bras assez longs. Jugez vous-même. Ce n’est pas mauvaise volonté. Vous comprenez bien que je n’y peux rien, si maman m’a fait les bras courts.

L’équipe a éclaté de rire au nez du cabot et l’on a surnommé Dubuisson : Bras-Court. Sacré Bras-Court ! Petit à petit, il est arrivé à imposer sa flemme. Les chaouchs continuent à le fourrer dedans, mais ont complètement renoncé à exiger de lui un travail sérieux. Comme il est musicien, il passe son temps, sur les chantiers, à nous chanter, à demi-voix, des morceaux en vogue au moment de son départ de France. De temps en temps, quand les pieds-de-banc ont le dos tourné, il place le manche de sa pelle sur son bras gauche, comme une guitare, tandis que, de la main droite, il pince des cordes imaginaires.

Je suis heureux de l’avoir à côté de moi, ce fainéant obstiné. Il me met de la joie au cœur, avec ses morceaux de romances et ses bribes d’opéra-comique. Et nous ne nous plaignons pas de faire sa tâche,