mains et les bras déchirés par les pointes des cailloux sur lesquels il était tombé, et du sang coulait à travers l’ordure dont était souillé son visage.
C’est lui, ce Mouffe, qui, tous les soirs, après l’appel, chaussé de chaussons de lisière, rampe autour des marabouts pour épier le moindre bruit, et qui répète toutes les cinq minutes, d’une voix nasillarde de prêtre idiot :
— Je veux entendre le plus profond silence !
Quels êtres, mon Dieu ! Ah ! mieux vaudrait mille fois vivre dans les montagnes, avec les bêtes, avec les chacals et les hyènes dont on entend les hurlements, la nuit, que de passer son existence avec ces brutes qui croient être des hommes !
Et il faut trimer, avec ça, comme des nègres. Nous travaillons à la construction d’un bordj, à côté du camp. Cinq heures de terrassement le matin, quatre le soir, avec les chaouchs, revolver au côté, se promenant sans cesse le long de la tranchée, punissant ceux qui lèvent la tête, punissant ceux qui travaillent mollement, punissant ceux qui n’arrivent pas à terminer leur tâche, engueulant tout le monde à tort et à travers.
Je me moque de leurs menaces ; je me fiche de leurs engueulades. D’ailleurs, ils se sont décidés à me laisser assez tranquille ; ils se sont aperçus que j’abattais ma part de turbin assez consciencieusement. Le travail ne me fait plus peur, en effet. Je me suis habitué au maniement de la pioche et de la pelle, et la multiplicité des calus a rendu la peau de mes mains aussi dure et aussi rugueuse que de la peau de crocodile. C’est très utile, de ne pas avoir l’épiderme trop déli-