Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux jours ; les fers aux pieds, aux mains, la crapaudine, le Camisard. Le Camisard, un supplice qui dépasse en horreur tout ce qu’on pourrait imaginer : le détenu a les pieds pris dans des pédottes scellées au mur de sa cellule ; on lui passe une camisole qui lui maintient derrière le dos les bras qu’on tire verticalement et qu’on attache à un anneau scellé aussi au mur à la hauteur de la tête ; à cet anneau pend un collier qui enserre le cou. Il reste là, le patient, pendant quatre ou huit jours, au régime, au quart de pain, satisfaisant ses besoins sous lui, dormant debout…

Et le fort Barreau, dont on lit périodiquement le régime dans les Pénitenciers, et où sont envoyés les détenus contre lesquels ont été épuisées toutes les mesures disciplinaires ! Quatre-vingt-dix jours de cellule au quart de pain, dans une casemate absolument nue, avec bastonnades, aspersion de cellule, au moindre mot, au moindre signe ! Un régime tellement atroce que les malheureux qui doivent le subir y résistent à peine un mois et, épuisés, anémiés, tués à petit feu, doivent être dirigés sur un hôpital dont ils ne sortent, neuf fois sur dix, que les pieds en avant…

Ah ! bon Dieu ! Et dire qu’on a aboli le servage, la torture et les oubliettes !…

J’ai pensé toute la nuit à ces monstruosités.


Le lendemain matin, quand j’ai pris la faction, à six heures, les prisonniers s’alignaient, un énorme sac au dos, pour le peloton.

Ils sont huit.

— Garde à vos ! crie Bec-de-Puce en sortant de sa tente, le revolver au côté.