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Ah ! ils n’ont pas oublié la faim dans l’arsenal des peines atroces dont ils peuvent disposer, les tortionnaires ! Ils n’ont pas dédaigné ce châtiment infâme et qui déshonorerait un bourreau, ces hommes qui osent dire à des citoyens libres, au nom d’un hypocrite patriotisme de caste : « Il faut être soldat ou crever ! »

Il n’y a pas que des hommes punis de prison, dans ces tombeaux devant lesquels je passe et je repasse, le fusil sur l’épaule ; il y a aussi des hommes punis de cellule. Ceux-là ne font pas le peloton. Ils restent nuit et jour étendus sous leur tente dont ils ne doivent sortir sous aucun prétexte. Seulement, ils n’ont droit qu’à une soupe sur quatre, soit une gamelle tous les deux jours. Ils restent donc un jour et demi sans manger, reçoivent une soupe, jeûnent encore pendant trente-six heures, et ainsi de suite pendant le nombre de jours de cellule qu’ils ont à faire. L’eau aussi, on la leur mesure. On leur en donne un bidon d’un litre tous les jours, pas une goutte de plus. La chaleur étant étouffante, à dix heures du matin cette eau est en ébullition.

Je n’aurais jamais imaginé qu’on pût infliger à des hommes ― surtout à des hommes qui ne sont sous le coup d’aucun jugement ― des traitements semblables.


Et ces deux punitions ne sont pas encore les plus terribles. Il en existe une troisième qui l’emporte de beaucoup sur elles en horreur et en ignominie : c’est la cellule avec fers. L’homme puni de fers est soumis au même régime alimentaire que l’homme puni de cellule : il n’a qu’une soupe tous les deux jours. De plus, on lui met aux pieds une barre, c’est-