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moyen-là qu’à la dernière extrémité. Il me semble, d’ailleurs, que tu es assez fort pour supporter des souffrances qui poussent quelques malheureux à se donner la mort. Je sais bien que nous avons encore plus de deux ans et demi à tirer, mais, tu verras, ça se passera. Il faut seulement bien nous déterminer à sortir d’ici ; il faut que cette pensée-là ne nous quitte pas, et nous en sortirons.

— Et la menace du conseil de guerre toujours suspendue sur notre tête, pour quoi la comptes-tu ?

— Il faut lui échapper, au conseil de guerre ; il le faut, entends-tu ? Mais je te jure bien que si jamais, par malheur, je me voyais sur le point d’y passer….

— Eh bien ?

— Eh bien ! ce n’est pas à cinq ans ni à dix ans de prison qu’on me condamnerait…

— Tu te tuerais ?

— Non, je les laisserais me tuer. Mais avant…

Et il fait le geste de mettre en joue un pied-de-banc qui passe.


Pourquoi pas, après tout ? La violence n’appelle-t-elle pas la violence ? Et quel nom donner à ces lois pénales auxquelles l’armée est soumise ? De quel nom les flétrir ? de quel nom les stigmatiser ?

Tous les jours, à l’appel de midi, on nous fait former le cercle ; un cercle au milieu duquel se place un chaouch, un livret à la main, et autour duquel rôde l’adjudant, comme un chien qui cherche à mordre. Le chaouch fait, en ânonnant, appuyant sur les mots avec son insupportable accent corse, et comme pris d’un certain respect devant les feuillets infâmes, la lecture du code pénal. Oh ! ce code, tellement