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ait plus peur du peloton d’exécution que de l’ennemi qu’il a à combattre.

C’est la peur. Le soldat doit avoir peur de ses chefs. Il lui est défendu de rire lorsqu’il voit Matamore se démasquer et Tranche-Montagne se métamorphoser en Ramollot. Il lui est défendu de s’indigner quand il voit commettre ces vilenies ou ces injustices qui vous soulèvent le cœur. Il lui est défendu de parler et même de penser, ses chefs ayant seuls le droit de le faire et le faisant pour lui.

Et s’il rit, s’il s’indigne, s’il parle, s’il pense, s’il n’a pas peur, alors malheur à lui ! C’est un indiscipliné : disciplinons-le ! c’est un insurgé : matons-le ! Donnons un exemple aux autres ! ― Au bagne ! ― À Biribi !


Oui, cela, je le sais maintenant. Je le sens. ― Je l’ai senti tout d’un coup, si brusquement que j’en suis tout troublé. La fouille où s’est effondré l’échafaudage branlant de mes vieilles idées bourgeoises, je n’ose encore la combler avec de nouvelles croyances. Je suis un converti, mais je ne suis pas un convaincu.


— Il faut s’attaquer au système, répète Queslier, rien qu’au système. Vois-tu, lorsque le peuple saura bien ce que c’est que les armées permanentes, quand il saura qu’il est de son intérêt de jeter bas cette institution qui le ruine, quand il comprendra que ceux qui vivent de l’état militaire ne forment qu’une caste établie sur des préjugés et des intérêts égoïstes, il n’en aura pas pour longtemps… Un quart d’heure de réflexion et une heure de colère…

Je hoche la tête. Je crois que pour arracher de