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de la façon dont le capitaine Fracasse devait porter son feutre et tourne les pouces, en vous parlant, comme les dévotes, après déjeuner. Quand il a une méchanceté à dire, il sait comme pas un l’entortiller de phrases mielleuses qui semblent toutes fraîches pondues par un sacristain. La famille, la religion, cela revient sans cesse dans ses discours où il nous promet de nous faire passer au conseil de guerre pour la moindre peccadille. Il a l’air de donner l’absolution à un homme quand il le fourre en prison et de lui accorder la bénédiction papale lorsqu’il ordonne de le mettre aux fers. Il trafique de nous comme de simples nègres. Il vend notre travail aux mercantis du pays auxquels nous élevons des maisons, à son compte, en utilisant, bien entendu, les matériaux du gouvernement. Il se soucie fort peu de ce que nous pouvons en penser. Il offre au Dieu de paix et de charité la haine et le mépris qu’il peut inspirer aux malheureux qu’il a sous ses ordres. Du reste, il se commet le moins possible avec eux, les regarde comme des serfs taillables et corvéables à merci dont il doit simplement chercher à tirer tout le parti possible, et garde des allures de pontife difficilement abordable. Méchant, il l’est, et cela se conçoit. Un homme qui conserve encore au fond de lui quelques sentiments d’humanité ne demande pas à remplir de pareilles fonctions. Sans scrupule aussi, malgré ses mômeries de marguillier. Tout lui est bon, pourvu qu’il remplisse ses poches. Une cruauté ne lui déplaît pas, quand il n’a rien de mieux à faire. Autrement, il préfère un tripotage, une combinaison quelconque qui lui permettra de grossir le sac d’écus qu’il remplit à nos dépens. S’il avait été bourreau et qu’il eût aperçu, au moment de faire tomber le couperet, une pièce de