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fantaisies. Le sentiment de la haine contre les malheureux qu’ils ont sous leurs ordres et qu’ils commandent revolver au poing, celui de la vengeance idiote et lâche à satisfaire à tout prix, finissent par étouffer chez eux tout autre sentiment. L’homme est annihilé et remplacé par la bête fauve. Les neuf dixièmes sont des Corses.

Parmi les officiers, quelques-uns, comme leurs sous-ordres, qu’ils valent bien, ont demandé à quitter leurs régiments pour venir aux Compagnies de Discipline. D’autres y ont été envoyés par mesure disciplinaire ; ceux-là, n’ayant d’autre dessein que d’essayer de rentrer dans les cadres de l’armée régulière, font généralement preuve d’un zèle exagéré qui se traduit par des actes d’une sévérité excessive. La plupart du temps, ils évitent de se compromettre directement. À quoi bon ? N’ont-ils pas sans cesse sous la main les chaouchs toujours prêts à satisfaire leurs haines ou leurs rancunes ? Ils savent si bien se transformer en chiens-couchants, ces boule-dogues, et mettre leur avilissement et leur bassesse à l’égard de leurs supérieurs au niveau de leur morgue et de leur insolence vis-à-vis de leurs inférieurs !


Tout ce monde-là vit ― est-ce vivre ? ― sous la coupe du grand pontife : le capitaine. Un drôle de corps, celui-là : moitié calotin, moitié bandit. Un Robert-Macaire mâtiné de Tartufe, un Cartouche qui sait se métamorphoser en Basile. Un nez qui ressemble à un bec de vautour, des moustaches à la Victor-Emmanuel, des yeux de cafard et un menton de chanoine ; l’air d’un bedeau assassin qui vous montre le ciel de la main gauche et qui vous assomme, de la main droite, avec un goupillon. Il porte son képi sur l’oreille,