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fais appel. Il ne s’agit pas d’une domestique quelconque, que j’eusse pu soustraire en l’éloignant aux mauvais conseils de la haine. Vingt-cinq ans de soins, de dévouement en des circonstances inoubliables, t’ont donné des droits que nous ne méconnaîtrons jamais.

CATHERINE, dont l’émotion fait cligner les yeux.

Pourquoi que vous me dites ça… j’ai fait que mon devoir.

BARBIER.

J’étais sûr, parlant à ton cœur, d’en être entendu. Accepte donc, comme nous les acceptons, les décrets de la Providence. La guerre, vois-tu, ce fléau des peuples, a des lois implacables. Elle prend les fils, les maris, les frères. (Catherine pleure dans son tablier). Suis-je sûr moi-même que mes deux filles, celles que tu as élevées, oui, ne sont pas veuves aujourd’hui ? Suis-je sûr que le sang de mes deux gendres n’a pas coulé ? Et cependant, tu le vois, je me contiens ; je sais faire ce sacrifice à mon pays. (Les pleurs de Catherine redoublent). Fais taire ta douleur. Ne t’abandonne pas à des désirs de vengeance périlleux pour tes vieux maîtres comme pour toi. Ah ! si nous étions les plus forts, je n’hésiterais pas à te dire : Vas-y hardiment ! Mais nous sommes aux mains du vainqueur. Un éclat exposerait ta vie, la nôtre, inutilement. Mets donc dans ta sévérité plus de reproches que de menaces. Montre-leur, sans bravade, que tu gardes pieusement la mémoire de ton frère. Le deuil se porte bien moins dans les habits que dans le cœur, va… Est-ce que tu ne