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subir la paix. L’âme de la France en serait humiliée et avilie pour jamais ! Ayons donc bon courage. Dieu ne laissera pas couper la France, qui est sa main droite. »

Tous les soirs, chez nous, il y a de grandes discussions politiques et stratégiques entre mon père, M. Pion et M. Legros. L’épicier-marchand de tabac tranche de l’important maintenant, et veut avoir des idées à lui : il vient d’être nommé lieutenant de la garde nationale. Çà ne fait pas l’affaire de M. Pion qui parvenait toujours, jusqu’ici, à lui faire partager ses opinions, ou au moins à lui imposer silence. Ils vont parfois jusqu’aux mots aigres-doux. Heureusement M. Beaudrain met le holà.

― Il n’est peut-être pas mauvais que nous ayons été vaincus, dit M. Legros. Nous sommes tellement bavards, nous autres, si prompts à cancaner et à dénigrer, que nous avions besoin d’une leçon.

― Alors, qu’elle vous serve, dit M. Pion.

― Je parle des Français en général, monsieur.

― Le Français en général est magnanime, monsieur, chevaleresque, monsieur. Il tue, mais il n’insulte pas. Il combat au grand jour,