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grog à petites gorgées en trinquant toutes les deux minutes à la victoire de la France et à la santé de l’empereur et nous ne partons que très tard, après neuf heures et demie. Nous passons par les rues qu’éclairent les lampions et les lanternes vénitiennes aux raies multicolores. Ça sent la vieille graisse, et, quand on passe trop près des murs, du suif fondu rebondit sur vos chapeaux et vous coule dans le cou. C’est très beau.


Mais, tout à coup, un drapeau disparaît, puis dix, puis vingt. On les arrache par centaines, on les arrache tous et on décroche les lampions.

Les Prussiens sont vainqueurs. Wissembourg est pris !

D’abord, ç’a été un engourdissement. On en est resté là. Puis, on s’est révolté, on n’a pas voulu croire ; on a parlé de mensonge ignoble, de manœuvre de Bismarck… Maintenant, on sait à quoi s’en tenir : nous avons été surpris, pris en traître, écrasés sous le nombre.

― Nous sommes manche à manche avec les Prussiens, dit M. Pion, mais à nous la belle.


Eh bien ! nous l’avons gagnée, la belle ! Et