Le coupé approche rapidement. Par la portière, j’entrevois un toupet blanc, des lunettes, une redingote marron. Mon père m’empoigne par le bras et, levant son chapeau :
― Salue, mon enfant, c’est la Patrie qui passe !… Vive Thiers ! Vive Thiers !
Moi, je connais Thiers. Je sais ce qu’il a été. Je sais ce qu’il est. Je ne saluerai pas.
La voiture est déjà passée, et je n’ai pas salué, je n’ai pas mis le doigt à mon chapeau.
Mon père se tourne vers moi :
― Pourquoi n’as-tu pas salué ?
Je ne réponds pas. Il lève la main.
Qu’il frappe.
Mais le père Merlin a vu venir le coup. Il se place rapidement entre mon père et moi et, souriant :
― Décidément, Barbier, ― pour revenir à nos moutons ― je dois avouer que vous aviez raison tout à l’heure : vous êtes un bon bourgeois.