Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Depuis près d’un mois, des scènes atroces ont lieu chez elle ; les Prussiens ont choisi le Pavillon pour s’y livrer à tous les excès, à toutes les orgies, à tous les outrages.

― C’est inimaginable, ce qu’ils ont fait, mon enfant. Il y a des choses que je ne voudrais dire pour rien au monde ; j’ai été près d’en mourir de frayeur et de honte. Eh bien, ce que tu ne croiras pas, c’est qu’ils étaient payés pour le faire…

― Payés ! ma tante ; et par qui ?

Elle me regarde douloureusement.

― Pauvre, pauvre petit !

Puis, rassemblant ses forces, hachant les mots, coupant les phrases de soupirs :

― Celui qui les payait est venu… quand il m’a vue à bout de forces… n’en pouvant plus. Et il m’a proposé de faire cesser ces… ces choses… de faire partir les Prussiens de chez moi… à condition… que je vous… que je vous dépouille, mes pauvres enfants… que je vous déshérite… Et moi, lâche, lâche, pour conserver ma vie… ma misérable vie que je sentais s’en aller… j’ai accepté… j’ai fini par accepter… Et ils sont revenus ! Ils sont revenus hier ! Ils ont recommencé… Tout