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puante. De tous côtés gisent des instruments culinaires absolument infects, des marmites barbouillées de graisse, des casseroles vert-de-grisées. Des tas de vieux haricots et de lentilles, des os moussus, des rognures de légumes putréfiés entourent des cuves et des tonneaux pleins d’eau sale. Sur cette eau nagent des langues de pain, des rondelles de carottes, des poireaux qui ressemblent à des algues, des feuilles de choux blafardes, et, de temps en temps, apparaît la forme indécise d’un arlequin qui fait la planche. Une odeur repoussante monte de cette cour, passe par l’entrée particulière et nous poursuit dans l’escalier.

Nous trouvons le professeur en train de faire ses malles. Il nous explique qu’il se hâte, car il a peur que les Allemands se ravisent et lui enlèvent son sauf-conduit. M. Beaudrain me fait pitié ; ce n’est plus que l’ombre de lui-même. Il est horriblement troublé et, réellement, il ne sait plus ce qu’il fait. Il renverse son encrier dans un carton à chapeau et remplit de chaussettes sales et de vieux faux-cols un tuyau-de-poêle tout neuf. Il bredouille, tout en continuant ses préparatifs, des phrases