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se conduisent pas trop mal. Ils respectent les personnes et les propriétés et se bornent à faire des réquisitions. Ils ont d’abord réclamé toutes les armes qui se trouvaient dans la ville et messieurs les gardes-nationaux ont été invités à rapporter leurs fusils à la mairie, ce qu’ils ont fait sans se faire tirer l’oreille. Hier matin, mon père est sorti avec tout son équipement ; il a été rejoint au milieu de la rue par M. Legros qui portait sous le bras, aussi tristement qu’un officier de Marlborough, son beau sabre à dragonne d’argent. Ce léger sacrifice n’a pas contenté les Prussiens qui réclament d’heure en heure, sans se lasser, les objets les plus divers : provisions de bouche, fourrages, couvertures, balais, matelas, semelles, amidon, peaux de sangliers, cirage et bandages herniaires. On voit tout de suite que les Allemands, qu’on nous représentait comme d’affreux barbares, sont fort civilisés et très au courant des objets nécessaires à la vie moderne.

― Enfin, dit ma sœur, puisqu’ils ne font que demander et qu’ils ne prennent rien, ça ne va pas trop mal.

― En effet ; mais si l’on refusait de leur