Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des pantalons rouges. Entre deux haies de Prussiens, la baïonnette au canon, marchent des soldats français prisonniers, sans armes, sales, déguenillés, l’air abattu, désespéré. Ils sont deux cents, au moins… et je regarde, tant que je puis les voir, les képis rouges de ces malheureux qui vont aller pourrir dans une forteresse allemande… Les voitures passent toujours, escortées par des uhlans. Il y a des prolonges pleines d’armes, de chassepots et, tout à la fin, des caissons pleins de paille, des voitures de tous modèles, des camions même, portant le drapeau blanc à croix rouge des ambulances, d’où s’échappent des cris à faire frémir, des gémissements lamentables.

Un dernier peloton de uhlans. C’est fini.

― C’est tout un corps d’armée qui vient de passer, me dit un monsieur qui est resté derrière un arbre, pas loin de moi, pendant le défilé des troupes, c’est le 5e corps prussien, général de Kirchbach.

J’ai déjà vu ce monsieur, mais je ne le connais pas. Je crois qu’il demeure dans notre quartier. Il me salue et s’en va tranquillement, la canne à la main.

Une personne qui a l’air beaucoup moins