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LXXXVIII
INTRODUCTION.

À ces circonstances générales il faut ajouter les circonstances particulières qui environnèrent saint Denys. Athènes, qui le vit naître, ne défendait plus alors sa liberté que par le prestige de son ancienne grandeur, et par un dernier reflet de gloire dont la littérature et les arts éclairaient sa décadence. Effectivement, enveloppée dans la ruine de Pompée, puis de Brutus et de Cassius, et enfin de Marc-Antoine, qu’elle avait successivement appuyés, elle ne dut qu’à la mémoire de ses grands hommes de ne pas devenir dès ce moment une province romaine. Ce n’est qu’un peu plus tard, sous Vespasien, qu’on soumit définitivement au joug qui pesait sur le monde ces Grecs remuants, qui ne voulaient point obéir, et qui ne savaient pas être libres. Mais au temps de saint Denys, Athènes conservait encore son ancienne forme de gouvernement, et l’on pouvait juger d’une manière expérimentale ce que la législation païenne avait fait pour le bonheur du peuple. Sous le rapport religieux, Athènes était ensevelie dans une ténébreuse et immense superstition ; car, de peur que quelques divinités ne vinssent à se plaindre de son oubli, elle avait dressé un autel au dieu inconnu, ou, comme le rapporte saint Jérôme d’après d’anciennes autorités, à tous les dieux inconnus et étrangers. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’Olympe entier semblait avoir envahi la ville, tellement, dit un poëte du temps, qu’il était plus facile d’y trouver un dieu qu’un homme. Pourtant la philosophie régnait là sans contrôle ; toutes les anciennes écoles avaient leurs chaires et leurs adeptes. Mais, là comme ailleurs, alors comme toujours, la sagesse purement humaine ne faisait autre chose que tourner incessamment dans un cercle d’erreurs énormes ; et ses représentants, plus occupés de paraître savants et spirituels que d’être vrais et utiles, commettaient le crime inexpiable de donner le mensonge en pâture à des esprits que Dieu avait créés pour la vérité.

Telles furent donc les conditions de temps et de lieux dans lesquelles vécut saint Denys. Quant à sa famille, elle