Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LXXII
INTRODUCTION.

près les élucubrations du païen Proclus ? À qui surtout veut-on persuader que la pure et lumineuse doctrine de notre Aréopagite sur Dieu et sur la vie chrétienne doit être regardée comme un travestissement de la science grecque, et une révélation de mystères dont la réalité et l’apparence ne furent jamais que des infamies ? Au reste, le sentiment de Baumgarten fut combattu par Engelhardt lui-même[1], et le sentiment de ce dernier doit céder devant les témoignages précis de la critique ancienne. Pachymère assure positivement que les gentils, et en particulier Proclus, connurent les livres de saint Denys, et en prirent quelquefois jusqu’aux expressions. Il fait remarquer ensuite, d’après l’autorité de saint Basile, que l’envie d’appliquer au mensonge les formules de la vérité vint plus d’une fois aux philosophes, dont le père a été nommé singe de Dieu, et qui succomba le premier à la convoitise du bien d’autrui[2]. Cette remarque fut faite encore par un anonyme qui, dans un manuscrit grec des œuvres de saint Denys, annotées par saint Maxime, rappelle les paroles de Pachymère et celles de saint Basile, et ajoute, avec Eusèbe de Césarée, qu’après comme avant Jésus-Christ, les sages du paganisme eurent coutume de s’emparer de nos richesses[3].

Quant au caractère moral, ou, si l’on veut, quant aux garanties d’impartialité que présentent les critiques de l’un et de l’autre parti, je trouve qu’il y aurait beaucoup à dire pour nous, et beaucoup contre ceux qui nous combattent. Certes, c’est un légitime et invincible préjugé en faveur de la véracité d’un homme, que la sainteté habituelle de sa vie. La prière produit l’innocence du cœur, et

  1. Engelhardt, de Origine script. Areopagit.
  2. Sciendum quoque aliquos externos philosophos, præsertim Proclum, contemplationibus beati Dionysii frequenter usum fuisse, atque atdeò etiam meris ipsis dictionibus… quod autem familiare ipsis fuerit sibi nostra vindicare, docet etiam Basilius in illud In principio erat Verbum, super illâ dictione disserens. Pachymeres in proœmio ad opera Dionysii.
  3. Lansselius apud M. Delrionem, vindic. Areopagiticæ, cap. 8.