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LETTRE VIII.

de leur ordre et de leur dignité. Ainsi les fonctions des anges leur sont départies en raison de leurs mérites ; mais ce n’est pas nous qui faisons ce discernement, ô Démophile ; c’est Dieu qui donne les attributions, à nous par le ministère des anges, et à ceux-ci par l’intervention d’anges plus élevés. En un mot, c’est toujours par le moyen d’êtres supérieurs que la Providence universelle, dans sa sagesse et son équité, décerne aux êtres inférieurs ce qui leur échoit. Aussi quiconque est appelé de Dieu à gouverner les autres doit, dans l’exercice du commandement, avoir égard au mérite de ses subordonnés. Que Démophile traite donc avec cette discrète équité la partie raisonnable de son âme et sa colère et sa concupiscence ; qu’il n’intervertisse pas en lui l’ordre voulu et que la raison, qui est plus noble, commande aux autres puissances qui le sont moins. Car, si nous voyions sur la place publique le serviteur quereller son maître, le jeune homme outrager le vieillard, le fils injurier son père, se précipiter sur lui, le frapper indignement, n’est-il pas vrai que nous serions, au tribunal de notre propre conscience, dignes d’un blâme sévère pour n’être pas venus en aide à l’autorité compromise, quoique peut-être elle ait de son côté les premiers torts ? Comment donc n’aurions-nous pas honte de souffrir que la raison fût vaincue par la colère et par la convoitise et dépouillée de l’empire que Dieu lui a décerné, et par là d’exciter en nous un trouble, une révolte, une confusion pleine d’injustice et d’impiété ? Aussi notre divin apôtre et bienheureux législateur a-t-il dit qu’il exclurait du gouvernement de l’Église de Dieu celui qui n’avait pas su gouverner comme il convient sa propre maison[1] : car quiconque règle sa conduite,

  1. I. Tim., 2, 5. — Tit., 1.