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XLVI
INTRODUCTION.

ne pouvait être dans les écrits qu’on se préparait à produire sous le nom de saint Denys. D’où il résulte, 1o  que les docteurs avaient aussi facile de trouver la vérité dans l’Église et de l’établir, qu’il fut facile à un faussaire de la découvrir et de la présenter sous un titre usurpé ; et, 2o  que l’hérésie, qui niait l’autorité de l’Église, ne voulait pas s’incliner devant celle d’un homme. C’est pourquoi un écrivain plein de génie, comme celui qu’on suppose, ne se fût pas appliqué à combiner savamment une foule d’odieux et ingrats mensonges. Et parce que la fourberie devenait évidemment inutile, il n’est pas vraisemblable qu’il l’ait commise.

De plus, comment cet esprit si remarquable, qui disserte avec tant d’élévation sur la nature du bien et du mal, a-t-il pu ignorer qu’on ne sert point Dieu par l’hypocrisie, et que ce qui n’est pas, ou le mensonge, ne saurait protéger ce qui est, ou la vérité ? L’enfance connaît cette loi et la suit instinctivement, et, s’il lui arrive parfois de la violer, elle en atteste encore l’existence par l’embarras de sa physionomie et la pudeur de son front. Quand même le philosophe eût perdu de vue, le chrétien se fût rappelé sans doute ce noble principe que l’Évangile avait popularisé dans le monde. On n’a pas le droit de supposer que l’auteur du traité des Noms divins et de la Hiérarchie ecclésiastique ait ignoré une doctrine que tous nos livres expriment, dont nos Églises ont toujours retenti.

Et non-seulement il l’a connue, mais il l’a suivie. Car l’homme sincèrement religieux apparaît dans ses ouvrages, aussi bien que l’écrivain distingué. Sa parole grave et pieuse commande le respect ; son regard s’est exercé aux contemplations les plus sublimes ; les choses divines lui sont familières. Or, cette science intime et profonde de la vérité ne s’acquiert point par imagination, ou par un effort de génie ; Dieu la donne à qui détache son esprit et son cœur des choses terrestres. Il répugne donc d’admettre que cet homme sanctifié, et en qui la lumière di-