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ni pensée, parce qu’elle est essentiellement supérieure au reste des êtres, et qu’elle se manifeste dans sa vérité et sans voile à ceux-là seuls qui traversent le monde matériel et intellectuel, franchissent les hauteurs de la plus sublime sainteté, et, laissant de côté désormais toute lumière, tout accent mystérieux, toute parole qui vient du ciel, se plongent dans les ténèbres où habite, comme dit l’Écriture, celui qui règne sur l’univers[1]. Et ici l’on peut observer qu’il fut enjoint au divin Moïse de se purifier d’abord[2] et de se séparer ainsi des profanes ; que, la purification achevée, il entendit les sons variés des trompettes, et vit divers feux qui s’épanouissaient en purs et innombrables rayons ; et qu’enfin, laissant la multitude, il monta en la société de quelques prêtres choisis jusqu’au sommet de la montagne sainte. Toutefois, il ne jouit pas encore de la familiarité de Dieu ; seulement il contemple non pas la divinité qui est invisible, mais le lieu où elle apparaît[3]. Ceci veut faire entendre, à mon avis, que les choses les plus divines et les plus élevées qu’il nous soit donné de voir et de connaître, sont, en quelque sorte, l’expression symbolique de tout ce que renferme la souveraine nature de Dieu : expression qui nous révèle la présence de celui qui échappe à toute pensée et qui siége par delà les hauteurs du céleste séjour. Alors, délivrée du monde sensible et du monde intellectuel, l’âme entre dans la mystérieuse obscurité d’une sainte ignorance, et, renonçant à toute donnée scientifique, elle se perd en celui qui ne peut être ni vu ni saisi ; tout entière à ce souverain objet, sans appartenir à elle-même ni à d’autres ; unie à l’in-

  1. Psalm., 96, 2.
  2. Exod., 19.
  3. Ibid., 33.