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CHAPITRE VIII.


justice, par cela même qu’elle traite tous les êtres selon leur valeur propre, et maintient chaque nature en son rang et en sa puissance respective.

VIII. Mais on dira peut-être : Y a-t-il justice à ce que les gens de bien soient abandonnés sans secours aux vexations des méchants ? À cela nous répondons : Si ces personnes réputées saintes placent leur affection dans les biens terrestres, tant recherchés par les hommes charnels, alors elles sont totalement déchues de l’amour divin. Et je ne comprends pas qu’on les nomme saintes, puisqu’elles font cet outrage aux biens célestes et pleins de véritables attraits, de leur préférer sacrilégement des biens si peu dignes qu’on les aime et qu’on les poursuive. Si au contraire elles aiment les choses éternelles, elles devraient se réjouir qu’il leur soit donné d’atteindre l’objet de leurs vœux. Effectivement ne s’approchent-elles pas de la perfection angélique, à mesure qu’éprises d’un ardent désir des cieux, elles renoncent aux affections terrestres, et trouvent matière à ce généreux exercice dans les tribulations endurées pour la vertu ? Ainsi, à vrai dire, il convient beaucoup mieux à la justice divine de ne pas amollir, de ne pas briser par des prospérités temporelles la mâle énergie des hommes de bien ; mais de les secourir au contraire, si on voulait les corrompre par cet endroit, de les fortifier dans leur noble et laborieux combat, et de les récompenser enfin, selon leur mérite.

IX. De plus, la justice divine est encore nommée le salut universel, parce qu’elle protége et conserve tous les êtres dans l’intégrité de leur nature propre et dans leur rang spécial, et parce qu’elle est la cause très-pure de leurs opérations particulières. Si l’on veut aussi l’appeler salut ; parce qu’elle préserve toute