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DES NOMS DIVINS.


sont plus ou moins privées ; aux unes, il n’en est accordé qu’une faible portion ; aux autres, il n’en vient qu’une sorte de lointain rayonnement. Car, si toutes choses étaient appelées à une égale participation du bien, les plus sublimes et les plus pures essences seraient ramenées au niveau des plus ignobles. D’ailleurs se pourrait-il que cette grâce fût uniformément distribuée, quand tous les sujets n’apportent pas une semblable aptitude à la recevoir intégralement ?

Il y a plus : telle est l’excellence du bien et telle sa force puissante, que si les choses mêmes où il ne se rencontre pas sont capables de le recevoir, c’est à lui qu’elles doivent ce principe de perfectionnement ultérieur. Et si l’on me permet d’émettre cette vérité hardie, c’est par le bien même que ce qui est hostile au bien subsiste et peut exercer cette hostilité ; ou mieux et en deux mots, toutes choses, en tant qu’elles ont l’être, sont bonnes et procèdent du bien, et en tant qu’elles sont privées du bien, elles n’ont ni bonté ni être. Il n’en va pas ainsi relativement à d’autres qualités, telles que la chaleur et la froidure. Pour avoir perdu la chaleur qu’ils possédaient, les corps ne laissent pas de se maintenir dans l’être ; quoiqu’elles n’aient ni vie, ni intelligence, plusieurs choses n’en existent pas moins ; et Dieu, qui ne partage pas notre mode de subsister, subsiste toutefois d’une façon suréminente. En général, qu’un objet cesse de posséder une qualité, que même il ne l’ait jamais eue, il n’est point aboli pour cela, il n’est pas un néant ; mais ce qui est absolument dépourvu de bien ne saurait exister nulle part, en aucun temps, d’aucune sorte. Ainsi l’impudique, d’un côté, s’exclut du bien par sa brutale convoitise, et comme tel, il n’est qu’un non-être, et les choses qu’il désire sont