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DES NOMS DIVINS.


dans la vérité, que la cause universelle, par la surabondance de sa tendresse, aime, produit, perfectionne, conserve et dirige toutes choses, et que le divin amour est bonté en lui-même, dans sa source et dans son objet : car ce sublime artisan de tout ce qu’il y a de bon dans les êtres, éternel comme la bonté où il réside excellemment, ne la laissa point dans une oisive fécondité, mais lui persuada d’exercer cette puissance merveilleuse qui a produit l’univers.

XI. Et qu’on ne nous reproche pas d’employer ce mot d’amour contrairement à l’autorité des saintes Lettres. Car c’est, à mon avis, une chose déraisonnable et sotte de ne pas regarder à l’intention de celui qui parle, et de n’appuyer que sur des mots ; et c’est le fait non pas assurément de ceux qui recherchent avec zèle les choses divines, mais bien de ceux qui ne sont jamais qu’effleurés par la parole, et ne lui permettent d’arriver que jusqu’à l’oreille de leur corps ; qui ne veulent pas savoir ce que signifie telle expression, et comment il est besoin de l’expliquer quelquefois par des termes équivalents et mieux connus ; qui enfin s’arrêtent tristement à des figures et à des lignes mortes, à des syllabes et à des paroles incomprises, lesquelles n’ont point pénétré jusqu’à leur esprit, et n’ont produit qu’un vain bruissement autour de leurs lèvres et de leurs oreilles : comme si, au lieu d’employer les mots quatre, figure rectiligne, patrie, on ne pouvait pas dire deux fois deux, figure à lignes droites, sol natal ; comme si enfin on ne pouvait user de circonlocution ! En effet, la saine raison apprend que c’est à cause des sens qu’on se sert de lettres, de syllabes, de mots, d’écriture et de parole ; tellement que les sens et les choses sensibles sont de