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XXIX
INTRODUCTION.


Au reste, je ne voudrais pas dire, dans toute la rigueur du mot, que les écrits de saint Denys nous soient venus sans la plus légère altération. D’abord, et indépendamment de toute mauvaise foi, le mode de reproduction des livres à cette époque rendait moralement inévitables quelques omissions ou changements : ainsi, Corderius, un des meilleurs éditeurs de saint Denys, a signalé quinze cents variantes environ dans les dix exemplaires différents qu’il avait sous les yeux. Ensuite, le sentiment de notre auteur commandait le respect, soit à raison de son antiquité présumée, soit à cause de l’élévation de ses doctrines : la fraude était donc utile. Une obscurité profonde avait enveloppé ses œuvres dès l’origine : la fraude était donc facilement exécutable. On conçoit donc que, dans l’intérêt de l’erreur, ou même de la vérité, des hommes aient pu méditer la falsification de ces monuments, et y faire réellement quelques courtes interpolations.

Mais, 1o de ce que la chose est possible, on ne doit pas se hâter de conclure qu’elle existe ; et, 2o d’une altération partielle à une supposition totale, il y a tout un monde qu’on ne renverse pas d’un trait de plume. C’est pourquoi il n’est pas prouvé, et nous n’admettons pas qu’on ne puisse faire remonter jusqu’à saint Denys l’introduction du mot hypostase dans le langage théologique.

Ainsi, et pour résumer ce qui a été dit sur le style de saint Denys, ni les expressions qu’on allègue, ni quelques traits d’un goût plus ou moins pur, ne détruisent les inductions légitimes que nous avons fondées sur le caractère général de sa manière d’écrire ; et, de la sorte, une probabilité nouvelle confirme notre sentiment.

3o L’auteur rappelle la part qu’il a prise à des événements contemporains ; il cite les hommes de son époque et les relations qui l’attachaient à eux, tellement que ces indications sont en conformité parfaite avec ce que nous savons d’ailleurs de saint Denys l’Aréopagite.

Ainsi il se nomme disciple de saint Paul[1] : ce qui est

  1. De Divin. nomin., cap. 3, 2.