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XVIII
INTRODUCTION.

maient, pour l’élévation et la pureté de sa doctrine, le dieu des philosophes[1], a bien pu entraîner et ravir les âmes qu’une sagesse et une droiture naturelles préparaient au christianisme. Les anciens Pères ont signalé la glorieuse analogie qui rapproche en quelques points la doctrine de Platon de celle de l’Évangile[2], et la plupart de nos docteurs sont passés de l’école du premier à la sainte discipline du second[3]. On peut facilement croire que l’aréopagite Denys a parcouru les mêmes phases. Au moins c’est une manière très-naturelle d’expliquer la tournure platonicienne de ses conceptions, et rien absolument ne rend cette interprétation improbable ou illégitime. Il y a donc ici plutôt un préjugé en notre faveur qu’une arme contre nous.

Qu’on lise ensuite, si l’on veut, les passages où saint Denys traite des écritures, des apôtres, de nos mystères, de Dieu et de ses attributs. La pompe, l’énergie, la répétition des mots, décèlent évidemment une âme qui essaye de donner libre cours à des pensées qui la remplissent, à des sentiments qui débordent en elle : à la façon de ces prêtres que chante la poésie, et qui, touchés par le souffle divin, terribles, l’œil en feu, s’agitaient, s’exprimaient d’une étrange sorte, comme pour s’affranchir enfin de cette douce et indomptable possession,

.  .  .  .  .  .   Magnum si pectore possit
Excussisse Deum ;


ou, si l’on aime mieux, à la façon de tous les hommes

  1. Quem enim omnibus locis divinum, queni sapientissimum, quem sanctissimnm, quem Homerum philosophornni appellat (Panœtius). Tuscul., lib. I ; lib. IV. — Epist. 15, ad Attic. — Deum philosophorum Platonem. Plato ille deus noster. Idem, ad Attic, lib. IV, Epist. 15, et alibi.
  2. Arnob., lib. I et I, contra Gent… Les Pères combattent les philosophes anciens, et Platon reçoit sa part d’un blâme mérité. Toutefois le platonisme leur est moins odieux que les autres sectes, et, sans lui faire aucun emprunt, ils le nomment avec éloge, le considérant comme une sorte d’école préparatoire au christianisme. C’est en ce sens qu’il faut comprendre le sentiment du P. Baltus.
  3. Saint Justin, Clément Alex., Origène, Tertullien, Arnobe, Lactance, saint Augustin, et d’autres encore.