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INTRODUCTION.

le veut, et non pas autre chose, ni autrement. À cette élévation, l’âme éprouve un frémissement d’amour, elle goûte combien le Seigneur est doux. Telle est la réhabilitation de l’esprit ; telle est l’illumination[1].

Enfin, l’âme achève de se perfectionner par une intime union avec Dieu (vita unitiva). Dieu ne charme l’esprit par la lumière, que pour appeler à lui le cœur par l’amour : aussi parmi les flots de clarté qui l’enveloppent, la créature est saisie par un sentiment d’inexprimable tendresse. Cette dilection, glorieux couronnement des contemplations sublimes, se distingue par trois propriétés : elle ravit en extase, unit à Dieu, et remplit l’âme d’une pure et infinie allégresse. En effet, il peut arriver que l’âme, puissamment attirée, se précipite dans l’amour avec une telle violence, que les sens, l’imagination et la raison, vaincus et comme enchaînés, ou bien cessent tout à fait leurs fonctions, ou ne les exercent plus que faiblement. Il y a, du reste, beaucoup de degrés possibles dans ce ravissement extatique. L’œil de la raison étant ainsi aveuglé par une lumière immense, on ne connaît plus sous les conditions de temps et de lieu ; on éprouve que tout ce qui représente Dieu, toute pensée et toute parole sont bien au-dessous de la réalité. Même, à vrai dire, on ne voit pas ce qu’est Dieu ; on sent sa présence. Alors, parmi la douceur de ces suaves embrassements, l’âme se fond, si on ose parler ainsi, en l’objet aimé ; et comme le fer, jeté dans une ardente fournaise, rougit, blanchit, étincelle, et prend les propriétés et la forme du feu, ainsi l’âme, plongée dans les abîmes de l’amour infini, conserve, il est vrai, son essence créée et sa personnalité, mais perd tout ce qu’elle avait d’humain et de terrestre, et possède des

  1. Cf. Richard. Victor., de Præpar. animi ad contemplât. ; Gers., de Méditat., de Simplifiait, cordis, de Monte contemplat. ; Bernard., ubi suprà, de Consideratione ; Bonavent., ubi suprà, de septem Itineribus æternitatis ; Joan. Rusbrock., ubi suprà, de vera Contemplatione ; Tauler, Institutions divines, dans le Panthéon littéraire ; Henri Suso, livre de la Sagesse éternelle.