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INTRODUCTION.

dans leurs écrits les traces de cette imitation[1]. À côté de ces brillantes clartés, étincelait à une grande hauteur, dans les cieux spirituels, le docteur divin Jean de Rusbroeck. Cet homme, par sa parole riche et puissante, frappait et entraînait ses auditeurs, qui le suivaient en foule. Comme on avait appelé Hugues de Saint-Victor un autre Augustin, on appelait Jean un autre saint Denys ; et véritablement il a dépassé la foule des théologiens mystiques par la profondeur de ses méditations, et par l’éclat de ses pensées, tout illettré qu’il était : car le Saint-Esprit avait versé dans l’oreille de son cœur des secrets qui ne s’apprennent pas sur les bancs des écoles[2].

Les traces de saint Denys ne se perdent pas dans le quinzième siècle. Denys-le-Chartreux, qui étonna ses contemporains par une prodigieuse érudition, et édifia ses frères par sa piété, a commenté les œuvres de l’Aréopagite. C’est là qu’il a puisé ces idées générales de la vie chrétienne et ces hautes considérations qui lui ont mérité le titre de docteur extatique. Gerson, et l’auteur, quel qu’il soit, des œuvres répandues sous le nom de Thomas a Kempis, ferment cette éclatante période. Gerson, il est vrai, eut occasion de relever quelques expressions incorrectes de Rusbroeck, que nous avons représenté comme disciple de saint Denys. Mais si la droiture de son jugement, et, comme le disent volontiers ses compatriotes, la justesse naturelle de l’esprit français maintinrent le docteur très-chrétien dans les limites de l’orthodoxie, il n’en est pas moins vrai qu’il suit saint Bonaventure, qui avait suivi l’Aréopagite, et que ses écrits de spiritualité rappellent effectivement la théologie mystique de saint Denys[3].

Non-seulement les témoignages de l’histoire et l’aveu explicite des théologiens forcent à reconnaître que le

  1. Cf. Tauler, Instit. divin. ; Henri Suzo, Sagesse éternelle, les neuf Rochers.
  2. Joan. Rusbroeck, Opera omnia, petit in-folio, Cologne, 1692.
  3. Entre les œuvres de Gerson, 5 vol. in-folio, voyez de Theologiâ mysticâ ; de Monte contemplationis.