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INTRODUCTION.

maintenant ! et en se retrouvant dans l’exil de cette terre, que leur grande âme déchirée laissait échapper d’ardents soupirs et des gémissements inconsolables, et le nom de la patrie, en tombant de leurs lèvres alors, émit si doux à entendre que le siècle lui-même inclinait l’oreille en passant pour ouïr la mélodie de ces cantiques.

Ces assertions ne sont pas dictées par les exigences d’une opinion préconçue ; elles sont fondées sur le témoignage de l’histoire et sur l’aveu positif des mystiques eux-mêmes. Dès que Scot Érigène eut fait connaître les livres de saint Denys, le mysticisme, d’ailleurs naturel à l’homme, surtout sous le règne de la théologie, tendit à prendre un caractère arrêté et systématique[1]. C’est au douzième siècle que ce travail fut poussé avec plus d’activité, et qu’on s’occupa de rédiger un code complet de mysticisme. Peut-être doit-on attribuer aux aridités naturelles et aux égarements quelquefois puérils de la scholastique le retour des esprits vers des doctrines plus pratiques et plus vivantes. Ce qu’il y a de certain, c’est que les écrivains mystiques furent accueillis avec une faveur unanime, et que saint Denys était réputé leur commun maître. C’est ce que nous apprend l’un d’entre eux ; car, après avoir rappelé qu’il y a pour l’homme quatre modes d’illumination, il s’arrête à décrire le dernier, qui est surnaturel et qui révèle les vérités divines. Cette manifestation supérieure nous vient par l’Écriture inspirée, qui a trouvé des interprètes habiles dont la parole fait loi. En effet, comme l’Écriture enseigne trois choses, la foi, la morale et l’union de l’âme avec Dieu, qui est le résultat de la foi admise et de la morale pratiquée, nous avons aussi trois guides célèbres parmi les anciens et qui sont suivis par les écrivains du temps présent : ce sont Augustin, Grégoire et Denys. Augustin est le maître des docteurs ; Grégoire, des prédicateurs, et Denys, des contemplatifs[2].

  1. Cousin, Hist. de la Phil., 9e leçon ; de Gérando, Hist. comparée, t. IV, ch. 26.
  2. Tota sacra Scriptura hare tria docet, scilicet Christi æternam genera-