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INTRODUCTION.

se développe, fleurit et fructifie, puis semble avoir ses hivers qui amènent de nouveaux printemps. De nombreuses et variées circonstances déterminent, accélèrent ou retardent la végétation de la céleste plante ; mais elle n’en est pas moins, à quelque siècle que ce soit, le grand arbre où l’âme religieuse, colombe attristée par l’éloignement du bien-aimé, vient chercher le repos et l’ombrage jusqu’au soir de la vie et se consoler des souffrances de son amour dans la douceur de ses plaintes.

Telle est, en effet, l’histoire du mysticisme catholique. Il a charmé les longs jours des patriarches et fortifié la foi des prophètes. Il eut sa plus haute expression pratique dans la vie mortelle, et sa plus haute expression doctrinale dans les enseignements du Seigneur. Il remplit la sainte âme des apôtres. La parole évangélique en dispersa le précieux parfum parmi toutes les nations de la terre. Les solitudes de l’Égypte et de la Palestine, le voisinage des temples chrétiens et le cœur de chaque fidèle en furent embaumés. L’Orient tout entier se peupla promptement de laures où, parmi les mortifications et la pénitence, des hommes vivaient comme des anges et jouissaient de la sainte familiarité de Dieu. Bientôt le reste de l’univers eut son tour ; et du haut du Mont-Cassin, la grande voix de saint Benoît, qui apparaissait comme transfiguré, convia les chrétiens de l’Occident au banquet de la vie mystique. D’un autre côté, les évêques réunissaient autour de leur église comme une famille de clercs choisis. Une discipline exacte conservait dans la sainteté les serviteurs de Dieu, et l’étude et la prière les façonnaient à la contemplation. Il y a plus, si on veut l’observer : tout véritable enfant du christianisme est moine par l’esprit ; il détache ses affections de toute entrave matérielle, et, créant dans son cœur une sorte d’isolement mystique, il s’exerce à une connaissance parfaite et à un sublime amour de Dieu. C’est la vie de Jésus-Christ qui se manifeste en ses disciples.

Le mysticisme était donc pratiqué par les clercs réguliers, par les moines et par les pieux fidèles. L’Évangile,