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INTRODUCTION.

tien, prouvera donc l’effet de ces mêmes doctrines sur la scholastique.

Qu’était donc le mysticisme du moyen âge, et comment se rattache-t-il au nom de saint Denys ?

Considéré dans son principe subjectif, dans l’âme humaine, le mysticisme est un soupir plein de regret et d’amour que nous poussons vers les cieux perdus, mais espérés. C’est le souvenir mélancolique que l’homme emporta de l’Éden et que Dieu daigne nous laisser dans l’exil pour ramener vers la patrie notre pensée et nos vœux. De là vient qu’en passant par cette blessure qui fut faite à notre cœur, toutes les joies terrestres se revêtent d’amertume et d’ennui, et que nous traversons la vie avec cette plénitude de douleur que nulle langue mortelle ne saurait exprimer. De là vient encore que, dans les grands spectacles de la nature qui nous élèvent au-dessus des réalités grossières, il y a comme une voix douce et triste qui nous entretient de Dieu, de la vanité du temps présent et d’un meilleur avenir. De là vient surtout que, parmi les fêtes et les enseignements de la religion, parmi les pratiques sacramentelles que Jésus-Christ a instituées, il s’opère dans l’âme un renversement mystérieux par où sont réputées fausses et amères les choses du temps, et véritables et suaves celles de l’éternité. Mais cette révélation, lointain écho des hymnes du paradis, n’arrive qu’à l’oreille des cœurs purs, et ceux-là ne l’entendent pas qui sont étourdis par le tumulte d’une journée impie et par les entraînements du crime, ou même par les frivolités d’une vie mondaine et distraite.

Le principe objectif, la cause créatrice du sentiment mystique, c’est Dieu, qui le fait naître dans l’âme de l’homme d’un rayon de lumière et d’amour surnaturels, et qui, de la sorte, appelle et attire en son sein les créatures exposées aux sollicitations des sens et aux séductions de la terre. Partie d’une source si pure, cette grâce ne saurait tendre à égarer l’homme ; peut-être même semblerait il tout d’abord qu’on ne dût pas oser tracer à ce fleuve