Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XII
INTRODUCTION.

bre de l’Aréopage. Le même Érasme et Laurent Valle essayent de railler agréablement ceux qui croiraient que ce pauvre Aréopagite pouvait être autre chose qu’un idiot. Scultet jure sa foi de calviniste qu’il n’y a pas l’ombre de théologie dans les œuvres de notre écrivain, attendu qu’il ose parler des anges plus explicitement que les autres docteurs de l’Église. Enfin, une nuée de critiques plus ou moins obscurs,

Et veterem in limo ranæ cecinêre querelam,


trouvent plaisant qu’il cite des témoignages dont il n’y a pas vestige ailleurs.

Un mot de réponse à chacun de ces aristarques.

Selon Érasme, le mot de saint Luc, ἀρεοπαγίτης, signifierait non point membre de l’Aréopage, mais bien citoyen du quartier de Mars, ἄρειος πάγος. Vraiment on était en droit d’attendre d’Érasme autre chose que cette lourde espièglerie. Le spirituel littérateur qui recevait de tous les monarques de son temps des pensions ou des éloges, et que la gravité papale daigna honorer souvent d’un sourire de félicitation, n’aurait pas dû abuser de sa réputation, ou, si l’on aime mieux, de sa science d’helléniste, pour imaginer un argument qui aie double malheur d’être une fausseté et de sentir la pédagogie. D’abord le mot πάγος des Grecs n’est pas et ne peut être dit synonyme du pagus ou vicus des Latins ; les meilleurs lexicographes assignent aux deux mots une étymologie, une quantité et une signification différentes[1]. D’ailleurs, la rue qu’habitait le néophyte Denys importe peu à l’édification des fidèles, et il est probable que saint Luc ne tint ni à savoir, ni à dire une semblable particularité. Enfin le contexte du récit des Actes (chap. XVII) appelle une autre interprétation ; et de fait, il n’y a aucun Père de l’Église, ni aucun commentateur qui n’ait pensé que l’expression critiquée désigne un membre de l’Aréopage. Or, nous ai-

  1. Robert. Stephan., thesaur. ling. lat. verbo Areopag.