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INTRODUCTION.

David de Dinan ont pu abuser des paroles de Jean Scot et lui imputer des théories qui ne furent pas précisément les siennes ; la seconde, c’est que les propositions d’Érigène, comme celles de saint Denys, comme celles de tous les livres et de tous les hommes, ne doivent pas être appréciées isolément et en dehors du système total dont elles font partie, et où elles trouvent leur signification définitive et leur valeur complète. Il résulte de là que les reproches encourus par Érigène, fussent-ils aussi graves qu’ils paraissent fondés, ne sauraient en aucune manière retomber sur saint Denys comme sur leur cause responsable.

Le moyen âge venait de s’ouvrir. Tandis que les guerres et la politique, sous l’œil de la religion, initiaient à la civilisation les sociétés modernes encore au berceau, la science, également dirigée par la foi, formait, à l’ombre des cloîtres, la mâle raison et la puissante intelligence des peuples européens. La théologie et la philosophie, se donnant la main comme deux sœurs qu’unit une douce amitié, parcouraient ensemble le champ des connaissances humaines. En dépit de quelques querelles domestiques témérairement soulevées par le dérèglement de certains esprits, et que l’Église finissait par calmer assez bien, on peut dire que l’harmonie dura jusqu’au quinzième siècle : glorieuse et féconde période qui fonda le droit public des nations occidentales, couvrit le sol de monuments prodigieux et organisa la science en de vastes et magnifiques synthèses. La direction générale des esprits était donc religieuse avant tout, et la théologie constituait le fond de la science, qui avait la philosophie pour vêtement et pour forme.

Or, la théologie, même au point de vue de son unité intime, se présentait, comme tout ce que regardent les intelligences finies, sous des aspects multiples. Laissant de côté ceux qu’il est inutile de décrire ici, nous dirons seulement qu’elle avait deux tendances distinctes : l’une intellectuelle et l’autre morale. Sans doute ces deux tendances doivent coexister et s’unir dans la théologie objec-