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INTRODUCTION.

Or cette rencontre des doctrines chrétiennes, philosophiques, orientales et grecques, se fit au commencement de notre ère. La lutte dura cinq siècles avant que les rivales vaincues se vinssent ranger, avec plus ou moins de perte, sous la loi inflexible de la vérité catholique. Il y eut donc des études et longues et fortes, des comparaisons attentives, des rapprochements lumineux, par où les partis durent apprendre à s’apprécier mutuellement. C’est pourquoi il est rigoureusement possible que saint Denys connût la philosophie grecque et orientale, dont ses œuvres offrent les formules, sans le secours de Plotin et de Proclus ; et que ceux-ci connussent du symbole chrétien ce qu’en rappellent leurs écrits, sans le secours de notre Aréopagite.

4° En fait, laquelle de ces deux raisons possibles est la véritable ? D’abord nous regardons saint Denys comme antérieur à l’école d’Alexandrie ; nous ne saurions donc admettre qu’il soit allé dérober à Plotin et à Proclus ses sublimes contemplations et ses hiérarchies mystiques, par un accès de piété naïve, comme on l’a dit, et pour décorer les sombres autels du christianisme persécuté[1]. Nous ne pensons pas davantage que notre docteur soit un néoplatonicien converti, qui aurait voulu transférer sa philosophie dans l’Église, et même subordonner la religion du Christ à sa science humaine, par ignorance pitoyable, ou par dangereux enthousiasme[2]. Ensuite que les œuvres de saint Denys aient exercé quelque influence sur les Alexandrins, c’est ce que nous sommes inclinés à croire, d’abord sur le témoignage de critiques anciens que nous avons cités plus haut, puis par cette considération que l’école d’Alexandrie, dans le désir de présenter une contre-épreuve du christianisme aux esprits

  1. Saint-René-Taillandier, Scot Érigène et la Scholastique, p. 18. Ceux qui ont lu saint Denys trouveront bien un peu étrange qu’on lui prête de la naïveté.
  2. De Gérando, Hist. comparée, etc., t. IV, ch. 22. M. de Gérando estime que les œuvres de saint Denys furent un présent funeste fait à l’Europe.