Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
cxxii
INTRODUCTION.

voitise, et, comme tel, il n’est qu’un non-être, et les choses qu’il désire sont un non-être ; mais, d’autre part, il participe encore au bien, en ce sens qu’il garde un reste d’amitié et une certaine manière d’alliance avec ce qui est.

Mais que deviennent les propriétés naturelles des êtres quand ils ont accompli le mal ? Jamais les choses ne se détériorent, ne se corrompent, en tant qu’elles sont essence et nature ; car, s’il en était ainsi, elles cesseraient d’exister, une altération qui frappe l’essence abolissant ce qui existait et produisant ce qui n’existait pas. Mais les essences et les natures subsistant, elles peuvent violer les lois par où elles sont régies ; alors se trouble et s’affaiblit l’harmonieux accord de leurs facultés, et ce désordre a dans leur conscience un retentissement douloureux, et elles continuent d’exister dans cet état d’angoisses. Elles ne sont donc pas détruites ; mais leur bien-être est anéanti. De la sorte, les esprits sont réputés mauvais, non point à raison de ce qu’ils ont, mais à raison de ce qu’ils n’ont pas ; car une nature bonne leur fut départie, puisqu’ils sont l’œuvre d’un principe bon ; mais ils peuvent perdre leur excellence originelle, parce qu’ils ne possèdent qu’une connaissance et un amour imparfaits et faillibles. Ils ne sont donc pas dépouillés de tout bien malgré les fautes qu’ils commettent et la punition qui les atteint ; car il leur reste l’existence, la vie, l’intelligence et le désir : toutes choses bonnes en soi et accordées à la créature dans une bonne intention et pour une bonne fin. Ils en ont abusé, en quelque manière que ce soit, par excès ou par défaut, et voilà le mal ; mais ils n’en sont pas totalement déchus. Bien plus, et voici le malheur, quand le temps de leur épreuve est écoulé, ils jouissent toujours de leur activité, mais ne peuvent plus l’exercer dans le sens de leur destination primitive. Leurs facultés natives persistent, mais égarées et maudites, et elles semblent s’appliquer à fuir d’une effroyable et éternelle fuite le but où elles devaient tendre et où elles furent même providentiellement inclinées. Le mal est donc la transgression de l’ordre établi ; c’est une