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CXIV
INTRODUCTION.

vaste mouvement, la vie de ces vies multiples, la force de toutes ces forces, c’est Dieu, qui soutient et régit les existences d’une manière analogue à leur constitution respective, attirant avec suavité et douceur les êtres libres, déterminant avec souveraine intelligence les mouvements aveugles des êtres matériels, ou privés de spontanéité.

Mais quoiqu’elles subsistent en Dieu, qu’elles y vivent, et qu’elles s’y meuvent, les choses ne sont pas confondues en lui, ni avec lui ; elles en sont substantiellement distinctes, et même séparées ; elles conservent l’existence propre, individuelle, spéciale que le Créateur leur a départie. À la vérité, Dieu se les rattache par une inexprimable étreinte ; sa providence, dans une sorte de mystérieux embrassement, les couvre et les protège ; mais il est parfaitement indépendant d’elles, et par la plénitude et l’excellence de son être, il se crée comme une solitude auguste, inaccessible, où il vit d’une incommunicable vie. En un mot, la conservation des êtres n’étant autre chose qu’une création continuée, il n’y a pas plus de confusion et d’identité entre les mondes et Dieu qui les conserve, qu’entre les mondes et Dieu qui les produit.

4o  Conséquences qui résultent de ces affirmations pour le langage théologique. Les paroles sont l’image des pensées ; mais les images ne sont pas des identités, et par suite elles ne reproduisent pas l’intime réalité des choses. Les pensées à leur tour n’ont que la largeur et la puissance de l’esprit qui les conçoit ; et parce que l’esprit humain est frêle et borné, nos pensées ne peuvent qu’être débiles et imparfaites. Ainsi, ni nous ne saurions comprendre Dieu et ses actes, ni nous ne saurions exprimer dignement le peu que nous en savons : nos paroles trahissent notre intelligence, comme notre intelligence elle-même est au-dessous de la vérité. Cela serait vrai, alors même que notre science serait intuitive ; c’est bien plus vrai puisque notre science est expérimentale ; car les choses invisibles de Dieu sont devenues intelligibles à l’homme par le spectacle de la création. Dieu ne nous est donc connu que par