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CONTES DE NOËL

tranchait sur les poussées sauvages qui l’environnaient de toutes parts. Ambitieux, actif, il s’était créé ce domaine ; c’était l’effort de dures années. Il vivait là avec sa femme, son garçon Onésime, et ses deux filles Thérèse et Alice. Il n’était ni pauvre ni riche, mais la famille ne manquait de rien, grâce au travail de tous. Le pain abondait dans la huche, le lard dans le saloir, et, le dimanche à la grand’messe, la mère Corriveau et ses filles étaient remarquées pour leurs agrès neufs et séants.

L’aînée de celles-ci, Thérèse, était une créature bien faite, grande, fortement moulée, aux joues rondes teintées d’un sang vif, aux yeux d’un brun tranquille, et dont l’allure solide, les mouvements posés, exprimaient une grâce vigoureuse. Elle avait vingt-deux ans. Elle valait un garçon pour tous les ouvrages de la ferme ; son frère même lui rendait des points quand il s’agissait de faner, de nouer les javelles ou de fouler dans la tasserie. Son père, qui l’utilisait sans compter et ne la complimentait guère, en était fier secrètement. Si la terre prospérait, on le devait à elle autant qu’à personne.

Sa sœur plus jeune, Alice, ne lui ressemblait que de loin. Elle était née plus délicate, avec des os plus frêles, et elle avait grandi