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CONTES DE NOËL

et j’avais sous les yeux l’objet même du prodige, la jeune et belle Réri qui n’a, tu l’as pu voir, rien de lépreux dans sa petite personne. Je me suis fatigué à chercher des explications ; voici quelle est ma théorie. Je crois qu’il se produit, en ces coins reculés du monde, parmi ces peuples primitifs, des faits mystérieux qu’ignorent complètement nos civilisations trop fières. N’est-ce pas dans cette île même, en certains bourgs lointains, que se pratique ce rite du feu, que tant de voyageurs ont décrit, qui est commun à toutes les îles du Sud, dans lequel des cortèges, pieds nus, s’avancent, chantant des hymmes, sur des cailloux rougis à blanc ? On dirait, vois-tu, qu’à mesure que l’homme assiège la nature, s’empare de ses ressorts, celle-ci l’abandonne à lui-même, lui retire son intervention directe. Ici elle est encore maîtresse, l’homme invoque son mystère, et elle l’étonne par des miracles. Dans le cas présent, il est vrai, on hésite entre deux puissances. Sont-ce les incantations de la vieille Tétua qui ont, par un phénomène d’envoûtement, transféré le mal de Réri à sa malheureuse poupée ? La démonologie du moyen-âge est remplie, comme tu sais, de faits analogues, quoique, le plus souvent, accomplis dans un ordre inverse. Ou plutôt les prières adressées au ciel, la foi pieuse de la neuvaine, ont-elles obtenu ce prodige ? A-t-il