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RÉRI

plus grande qui pût la mieux personnifier dans son existence de rêve. L’année suivante, ils firent de même : — et chaque année la poupée croissait, suivant la croissance de Réri. Celle-ci, de plus en plus, se croyait incarnée en elle. Pourtant son mal s’aggravait toujours. Il lui fallait maintenant recouvrir sa figure d’un voile pour que ses amies, même de loin, ne pussent voir les taches pitoyables. Et déjà elle marchait courbée, ayant peine à mouvoir ses joints difformes.

Elle était près d’avoir quinze ans. Alors on fut embarrassé de trouver, pour Noël prochaine, une poupée plus grande et plus belle que toutes celles qui avaient passé. On la chercha en vain dans les magasins de Papeete. Mais la femme d’un traiteur français en commanda une à Paris, et le paquebot l’apporta deux semaines avant Noël : une merveille aux traits fins et roses cerclés de cheveux d’or, pouvant parler, dormir, ayant presque la taille de Réri. Hélas ! la pauvre enfant ne lui fit pas le même accueil qu’aux autres. Aussitôt qu’elle la vit, elle fondit en larmes amères, et, sa mère la pressant d’expliquer son chagrin : « Je sais bien maintenant, dit-elle, que cette poupée ce n’est pas moi. Vois, ses yeux rient, sa peau est claire ; elle est belle, on l’admire : et moi je suis lépreuse et tout le monde me fuit. C’est fini