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CONTES DE NOËL

cueils, les yuranna[1] de bienvenue. Les jeunes tahitiennes fleuries les abordaient, connus ou inconnus, avec des rires à leurs dents blanches. Hamel m’entraîna plus loin sur le quai, vers une pile de cordages où l’une d’elles se tenait assise, qui semblait l’avoir attendu. « Réri, dit-il, voici l’ami dont je t’ai parlé si souvent. » Elle se leva avec une grâce aisée et esquissa une révérence. Elle paraissait avoir seize ans. Sa forme était menue, mais de lignes parfaites, son teint d’un brun très clair et sa peau d’une finesse et d’un velouté délicats. Ses cheveux tombaient sans contrainte sur ses épaules nues qu’ils encadraient d’une cape flottante. Ses traits avaient la beauté propre à cette race maorie, beauté qui, sans heurter nos concepts esthétiques, garde l’attrait du rare et de l’étrange. Ses yeux, larges et francs, regardaient bien en face. Un détail me frappa : elle n’avait ni fleur ni guirlande, et son pagne de soie bleue ne s’égayait d’aucun dessin. « Réri, ajouta George Hamel, veux-tu bien dire à tes parents d’arranger une chambre de plus ? Nous vous rejoindrons à souper. Adieu, ce ne sera pas long. » Ils se sourirent l’un à l’autre, et je crus saisir dans leurs yeux un éclair de tendresse. Puis Hamel m’emmena le long de la grand’rue, où déjà s’allumaient les lanternes chinoises, où les restaurants frituraient les crabes de

  1. Formule de salutation native.