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CONTES DE NOËL

crie : « Florent, qu’est-ce que tu fais ? Viens-t-en avec moi à l’église. » Il s’arrête, il a l’air de jongler un peu, vu qu’il était épris de la fille, mais à la fin il refuse : « Pas c’te fois-ci, ma belle, j’ai de l’ouvrage pour c’te nuit. » Il passe plus de trente carrioles ; les premières voient mon fou enjamber les champs de neige, les autres voient son fanal se balancer de plus en plus loin du côté du bois. Je vous demande un peu l’idée de c’t’homme, d’aller lever ses pièges la nuit, et la nuit de Noël encore ! Il s’était dit : « Ça va être une farce que je coure les épinettes pendant qu’ils sont à leurs cantiques. » C’était un type dépareillé, qui faisait tout à rebours des autres.

Ç’a été comme ça un bout de temps, puis, tout d’un coup, v’là les nuées qui commencent à cacher la lune, v’là le vent qui s’émousse et la neige qui se met à tomber. Ça rempire petit à petit ; au bout de vingt minutes, c’était une brouille de première classe, une poudrerie affreuse qui picotait comme des alênes, un noroît à vous geler les os, et sur toute la campagne il faisait noir comme dans un four.

Ça nous inquiétait pas, nous autres : on était tous rendus et on jasait sur le perron de l’église. Mais Létourneau, pendant ce temps-là, se battait avec la bourrasque et, trop ordilleux pour lâcher, il continuait d’a-