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LE NOËL DE CAROLINE

Noël blanc, escorté du crissement des lisses et de la chanson des grelots.

Pour l’honneur attendu, François avait muni sa carriole de robes neuves au poil ruisselant, bordées de rondelles vertes et rouges. Il s’était acquis pour lui-même un casque en chien de mer, dont la fourrure, prolongeant celle de sa barbe, donnait l’idée d’une expédition arctique. Il était bien triste, pourtant, des refus persistants de son amie : il désespérait presque et, comme dernière ressource, il allumait chaque soir un cierge devant l’image de saint Joseph. L’ennui de cet hiver à passer dans la solitude étreignait d’avance le jeune homme et lui mettait un frisson au cœur.

Ce fut, malgré tout, avec orgueil que, le soir du vingt-quatre décembre, il arrêta son flamboyant attelage devant la porte du père Gingue. Sa bien-aimée, emmitouflée de laines qui laissaient à peine saillir son joli museau, les épaules enserrées d’un châle en tricot, les pieds protégés de chaussons par-dessus les bottines, lui parut plus belle et plus captivante que jamais. Durant tout le trajet son âme fut prête à déborder ; il fut dix fois sur le point de tenter l’inutile requête ; mais la crainte de déplaire le retint. On parla de la crèche. Ils l’avaient déballée la veille ; la mère Lefebvre l’avait vue, et c’était une beauté : il n’existait rien de pareil