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Et ce qui fait que des écrivains inférieurs ont acquis quelque réputation, c’est qu’ils furent les premiers à se servir de la langue vulgaire. Et le premier poète vulgaire ne parla ainsi que pour se faire entendre d’une femme qui n’aurait pas compris des vers latins. Et ceci est contre ceux qui riment sur des sujets autres que des sujets amoureux, puisque ce mode de s’exprimer fut dès le commencement consacré seulement au parler d’amour[1].

C’est ainsi que, comme on a accordé aux poètes une plus grande licence de parole qu’aux prosateurs, et que ces diseurs par rimes ne sont autres que des poètes vulgaires, il est juste et raisonnable de leur accorder plus de licence qu’aux autres écrivains vulgaires. Donc, si l’on accorde aux poètes des figures ou des expressions de rhétorique, il faut l’accorder à tous ceux qui parlent en vers.

Nous voyons donc que, si les poètes ont parlé des choses inanimées comme si elles avaient du sens et de la raison, et les ont fait parler ensemble, et non seulement de choses vraies mais de choses qui ne le sont pas (c’est-à-dire de

  1. Il Convito.