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tendu prononcer comme s’ils avaient été réellement adressés à moi-même.

Ô vous dont la contenance affaissée[1]
Et les yeux baissés témoignent de votre douleur,
D’où venez-vous ? Et dites-moi
Pourquoi la compassion est peinte sur votre visage.
Est-ce que vous avez vu notre Dame
Le visage baigné des pleurs de son filial amour ?
Dites-le-moi, Mesdames,
Car mon cœur me le dit à moi-même,
Et je le vois rien qu’à votre démarche.
Et si vous venez d’un endroit si pitoyable
Veuillez rester ici un moment avec moi,
Et, quoi qu’il en soit d’elle, ne me le cachez pas.
Car je vois combien vos yeux ont pleuré,
Et je vois votre visage si altéré
Que le cœur m’en tremble rien qu’à le voir.

Es-tu celui qui a parlé si souvent[2]
De notre dame, en ne t’adressant qu’à nous ?
Tu lui ressembles par la voix,
Mais ton visage n’est pas reconnaissable.
Pourquoi pleures-tu dans ton cœur,
Que tu fais naître chez les autres la compassion de toi-même ?

  1. Voi, che portate la sembianza umile
  2. Se’ tu colui c’hai trattato sovente… Dans ce second sonnet, le poète donne la parole aux femmes à qui il s’était adressé dans le précédent.