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refusé à mourir lui-même, celui qui avait été le père d’une telle merveille qu’était cette très noble Béatrice quitta la vie pour la gloire éternelle.

Et comme une telle séparation est douloureuse pour ceux qui restent et avaient été amis de celui qui s’en va, et qu’il n’y a pas d’affection aussi intime que celle d’un bon père pour un enfant tendre, et d’un enfant tendre pour un bon père, et comme cette femme possédait un haut degré de bonté, et que son père était aussi d’une grande bonté (comme on le croyait et comme c’était la vérité), elle fut plongée dans une douleur très amère.

Suivant les usages de cette ville, les femmes avec les femmes, et les hommes avec les hommes, s’assemblaient dans la maison en deuil. Or beaucoup de femmes s’étaient réunies là où cette Béatrice pleurait à faire pitié. Et moi-même j’en vis revenir quelques-unes que j’entendais parler de ses lamentations. Et elles disaient : « Elle pleure tellement que quiconque la regarderait devrait en mourir de compassion. »

Puis elles passèrent, et je restai plongé dans une telle tristesse que les larmes inondaient mon visage, et que je devais à chaque instant