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nière qu’il lui faisait manger cette chose qui brûlait dans sa main, et qu’elle mangeait en hésitant. Après cela, sa joie ne tardait pas à se convertir en des larmes amères ; et, prenant cette femme dans ses bras, il me semblait qu’il s’en allait avec elle vers le ciel.

Je ressentis alors une telle angoisse que mon léger sommeil ne put durer davantage, et je m’éveillai.

Je commençai aussitôt à penser, et je trouvai que l’heure où cette vision m’était apparue était la quatrième de la nuit, d’où il résulte qu’elle était la première des neuf dernières heures de la nuit[1]. Et tout en songeant à ce qui venait de m’apparaître, je me proposai de le faire entendre à quelques-uns de mes amis qui étaient des trouvères fameux dans ce temps-là. Et, comme je m’étais déjà essayé aux choses rimées, je voulus faire un sonnet dans lequel je saluerais tous les fidèles de l’Amour, et les prierais de juger de ma vision. Je leur écrivis donc ce que j’avais vu en songe :

À toute âme éprise et à tout noble cœur[2]
À qui parviendra ceci

  1. Voir au ch. XXX pour ce qui concerne le nombre 9.
  2. A ciascun’ alma presa, e gentil cuore