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sorte immémorial, et dont la conception remonterait aux époques mêmes de sa jeunesse ; et l’on s’appuie sur maint passage de la Vita nuova dont l’interprétation est en effet assez problématique.

Je ne crois pas qu’il en soit ainsi.

La Vita nuova est une œuvre qui déborde de jeunesse et d’illusion ; c’est au bord de clairs ruisseaux ou dans des milieux mondains que la scène se déroule, et les douleurs les plus poignantes y revêtent une douceur infinie ; et, si le cœur se révolte, ce n’est que contre la nature et ses décrets impitoyables, et l’âme du Poète ne semble atteinte que par les blessures que ceux-ci lui ont infligées.

La Divine Comédie est l’œuvre d’un âge mûri, et qui a traversé les expériences les plus terribles et les épreuves les plus cruelles de la vie. Elle est l’expression des amertumes, des rancunes, des indignations que laissent les déceptions, les iniquités et les trahisons. Elle est le cri d’un cœur torturé par la méchanceté des hommes.

Je ne pense donc pas que le poète de la Vita nuova, quand il la composa, ait eu une intuition précise de la Divine Comédie. Quant aux passages auxquels je viens de faire allusion, et sur lesquels j’aurai à revenir dans mes Commentaires, il faut croire qu’ils y auront été introduits par de tardives interpolations.