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d’une canzone où, sous des voiles d’une transparence énigmatique, il nous initie aux évolutions de son âme et aux transports contraires qui l’agitent[1].

Et, chose curieuse, en regard de l’ineffable pureté qui fait le charme inaltérable de son premier amour, ce nouvel amour, en s’adressant à un pur symbole, atteint dans son expression une couleur proprement sensuelle. C’est bien alors les attraits et les charmes d’une femme qu’il adore et qu’il célèbre. Et l’on ne peut s’empêcher ici de penser aux symboles brûlans du Cantique des Cantiques.

Le combat que se livre son âme torturée, cédant à une séduction nouvelle et irrésistible, les déchiremens que laisse une passion désertée et les élans qui entraînent dans une passion naissante, sont reproduits avec des accens vibrans et douloureux qu’aucune plainte amoureuse n’a jamais dépassés. Et tout ceci laisse à la figure de Béatrice, délaissée pour une rivale un instant victorieuse, un relief de vie plus saisissant peut-être et plus suggestif encore que les adorations platoniques de la Vita nuova, et

  1. Il Convito. Canzone du Tratt. II.