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entrait encore plus de désir à me rappeler ma charmante Dame qu’à voir celle-ci, quoique j’en eusse déjà quelque appétit, mais qui paraissait léger. D’où il est visible que l’un de mes dires n’est pas contraire à l’autre.

Ce sonnet a trois parties : dans la première, je commence par dire de cette femme comment mon désir se tourne tout entier vers elle. Dans la deuxième, je dis comment l’âme, c’est-à-dire la raison, parle au cœur c’est-à-dire à l’appétit. Dans la troisième, je dis comment celui-ci lui répond. La seconde commence à : mon âme lui dit… la troisième à : et mon cœur lui répond…


Sous sa forme subtile et enveloppée, cette canzone met ici en présence et en opposition le cœur et l’âme, c’est-à-dire, suivant son langage, l’appétit et la raison. Et l’interprétation que le Poète nous en donne est cette fois plus intéressante encore, peut-être, que la canzone elle-même.

L’appétit, c’est ici le désir, et la raison c’est l’amour. Ne vaudrait-il pas mieux dire la volonté que la raison ? Car l’amour ne s’identifie pas toujours avec la raison, et dans le langage philosophique la raison n’est pas précisément un attribut de l’âme.